par René Bimbot, Vuibert. Broché ISBN 9782711771943, €35.
Dans son Histoire de la radioactivité, René Bimbot s’adresse à un très large public dans un style limpide et son livre se lit aisément, cela d’autant plus que de nombreux graphiques et illustrations facilitent la compréhension. Au fil du texte, le lecteur peut aussi s’attarder sur des encadrés expliquant certaines notions simples de physique, accessibles dès la fin du secondaire, qui, au prix d’un effort minime, permettent d’approfondir la compréhension du sujet traité.
Des vignettes présentent en quelques paragraphes les chercheurs qui ont écrit les pages les plus remarquables de cette histoire ou y sont étroitement associés, c’est le cas successivement de Röntgen, Becquerel, Marie Curie, Pierre Curie, J J Thomson, Planck, Einstein, Rutherford, Bohr, de Broglie, Chadwick, Fermi, Yukawa, Frédéric et Irène Joliot, Lawrence, Gentner, Seaborg et Charpak.
Trop souvent, sous différents prétextes, les physiciens présentent de façon caricaturale le développement historique de leur sujet de prédilection; ici au contraire René Bimbot s’attache à suivre en grand détail le cheminement des idées en faisant ressortir les influences réciproques des acteurs ayant joué les premiers rôles dans les découvertes sur la radioactivité.
Curieusement ce livre semble combler un vide; en effet, une recherche rapide montre qu’il n’existait pas d’ouvrage dans la langue de Becquerel traitant complètement du sujet. En anglais on note le récent ouvrage de G I Brown (2003) intitulé Invisible Rays: A History of Radioactivity qui traite des mêmes sujets. L’auteur a joué un rôle très actif dans certaines des célébrations des divers centenaires remarquables de la physique que nous avons connu au cours de la dernière décennie, une bonne préparation pour l’élaboration de son Histoire.
Le livre comporte trois parties intitulées «De la radioactivité naturelle au noyau de l’atome», «De la radioactivité artificielle à l’énergie de fission» et «Rayonnements et radioactivité aujourd’hui».
Les sept chapitres de la première partie s’attachent aux premiers travaux de Becquerel, puis de Marie et Pierre Curie, et guident ensuite le lecteur à travers les bouleversements de la physique qui ont caractérisé le début du 20 e siècle jusqu’à l’élucidation par Gamow de la radioactivité alpha en 1928 (expliquée par l’effet tunnel permis par la mécanique quantique) et la théorie de Fermi de la radioactivité bêta en 1933. En résolvant les énigmes posées par la radioactivité, les physiciens nucléaires ont enrichi la physique de deux nouvelles forces, la force forte et la force faible. Ils ont ainsi légué à leurs successeurs de la physique des particules deux sujets essentiels dont l’élucidation théorique a pris plusieurs décennies pour arriver à l’unification électrofaible et à la chromodynamique quantique.
La deuxième partie traite en sept chapitres du sujet associé du positon et de l’antimatière, puis de la radioactivité dite artificielle et des diverses applications de la radioactivité. Parmi celles-ci, René Bimbot souligne bien sûr le rôle toujours croissant en médecine nucléaire des multiples radionucléides à usage médical et de l’imagerie avant de passer au domaine de la datation, en particulier par la méthode du carbone-14. Il consacre trois chapitres à la fission, aux armements nucléaires, aux diverses filières électronucléaires (sans éluder l’accident de Tchernobyl) et à la question des déchets.
Plus courte, la troisième partie du livre discute des détecteurs puis des deux faces contrastées des rayonnements: leurs dangers mais aussi leurs bienfaits en radiothérapie. Le chapitre final aborde des manifestations plus rares de la radioactivité, comme la capture électronique, l’émission de un ou de deux protons et aussi d’un neutron post-bêta. René Bimbot insiste par ailleurs sur le fait qu’il reste des radioactivités à découvrir après celle des ions lourds (comme le carbone-14) et que la sensibilité croissante des méthodes de détection promet la découverte de radioactivités ultrafaibles par des nucléides considérés comme stables. Ce chapitre considère aussi la désintégration bêta au niveau des quarks, après les niveaux moins élémentaires du noyau et du proton présentés auparavant.
On peut regretter l’omission de la double désintégration bêta qui aurait particulièrement intéressé les lecteurs du CERN Courier. De plus, un index analytique des sujets traités aurait utilement complété celui des scientifiques cités dans le livre.
Le livre de René Bimbot remplit donc de façon convaincante l’objectif annoncé par le titre et il intéressera en particulier le lecteur recherchant une perspective historique sur un sujet qu’il connaît déjà.